CHAPITRE 1 : INTEGRATION DES TIC DANS L’EDUCATION

Publié le par DOUANLA DOUNGTIO Pauline

Former des personnes compétentes et compétitives est l’un des objectifs de l’éducation. A l’heure actuelle, les TIC semblent être un atout sur lequel compter pour atteindre cet objectif dans un environnement qui exige de plus en plus de compétences. D’où l’urgence de les intégrer dès la base c'est-à-dire dans l’éducation. Après la définition du concept d’intégration, ce chapitre divisé en cinq sections, aborde tour à tour les points sur  l’intégration des TIC dans l’éducation à savoir : les méthodes, les niveaux d’intégration des TIC dans le système éducatif, les modèles d’appropriation des TIC par les enseignants, les obstacles à l’intégration des TIC dans le système éducatif en général et dans le système éducatif camerounais en particulier. Le découpage du chapitre est donc le suivant :

 

1.1. Définition. 4

1.2. Les méthodes d’intégration des TIC dans le système éducatif. 5

1.3. Les niveaux d’intégration des TIC dans le système éducatif. 6

1.4. Modèles d’intégration ou d’appropriation des  TIC par les enseignants. 7

1.5. Les obstacles à l’intégration des TIC dans le système éducatif. 14

 

 

 

 

 

 

 

 


L’intégration, dans un sens large se réfère, selon Legendre (1993), à l’« action de faire interagir divers éléments en vue d’en constituer un tout harmonieux et de niveau supérieur ». Le concept de « technologies de l’information et de la communication » (TIC) fait référence aux équipements technologiques de type numérique  pouvant servir d’outils pédagogiques.  Ex. : Ordinateurs, serveurs, caméras numériques, caméras vidéo numériques, numériseurs, projecteurs, lecteurs de cédéroms, lecteurs de DVD, graveurs, imprimantes, modems, logiciels, etc. L’intégration des TIC dans l’éducation signifie une cohésion harmonieuse entre les TIC et tous les maillons intervenant dans la chaîne éducative afin de produire un enseignement et un apprentissage de meilleure qualité. Ainsi, chaque acteur d’un établissement devra être capable d’utiliser  les TIC de manière efficace et efficiente pour réaliser la tâche qui lui est attribuée. Dias, (1999) dit à ce propos que « les technologies sont intégrées lorsqu’elles sont utilisées de manière continue pour soutenir et pousser plus loin les objectifs du programme et pour engager les élèves dans des apprentissages significatifs » « (…) technology is integrated when it is used in a seamless manner to support and extend curriculum objectives and to engage students in meaningful learning ». Pour soutenir cette idée, d’autres auteurs tels que Hadley, (1993), Parks, (1994), Depover, (1996) estiment que pour parler d’intégration, les TIC devraient être utilisées de


manière « quotidienne », « habituelle », « régulière » ou « fréquente ».


L’avis du Pr. Fonkoua et autres (2008) n’en est pas si éloigné, puisqu’ils affirment qu’ « il ne s’agit pas simplement de faire entrer les ordinateurs dans les écoles sans que les pratiques pédagogiques changent. L’enjeu ici est surtout l’appropriation des technologies pour


changer, voire améliorer les pratiques pédagogiques ». L’Intégration des TIC à l’école pourrait donc être l’un des leviers de la transformation de l’acte éducatif.

Mais, qu’est-ce que l’intégration pédagogique ? Plusieurs auteurs procèdent par la négative pour tenter de cerner le phénomène de l’intégration des TIC. Ils expliquent que l’intégration des TIC, ce n’est pas seulement :

Placer les équipements dans les classes (Bray, 1999 ; Dockstader, 1999) ; encore moins aller au laboratoire 40 minutes par semaine (Dias, 1999) ; ni utiliser les ordinateurs comme une feuille d’exercice électronique ou une récompense pour les élèves qui ont terminé leur travail (Dias, 1999) ; ni utiliser des logiciels sans but précis (Dockstader, 1999) ; non plus enseigner comment utiliser les TIC (Bailey, 1997).

Ce type de discours par la négative, sans vouloir en minimiser la valeur, ne permet pas de définir précisément ce qu’est l’intégration des TIC puisqu’il met plutôt l’emphase sur ce qu’elle n’est pas.

François Mangenot, (2000) propose tout de même la définition suivante : « l’intégration, c’est quand l’outil informatique est mis avec efficacité au service des apprentissages ». Parlant d’efficacité, un  rapport canadien (Bracewell & alii, 1996) souligne que les TIC peuvent servir aux enseignants soit à faire mieux ce qu’ils font déjà, soit à faire des choses différentes, les deux approches étant pertinentes au plan pédagogique. Il est important de rappeler qu’ il ne s’agit pas d’une intégration physique, qui consiste à mettre à la disposition des acteurs du système éducatif des dispositifs technologiques dont ils peuvent occasionnellement se servir, mais qu’il s’agit plutôt d’une intégration pédagogique qui prône une utilisation effective et régulière des outils technologiques en classe.

 

Il ressort des écrits de Christian Depover, (1996) qu’il existe deux principales manières d’intégrer les TIC dans un système : le top-down  et le bottom-up.

            Le top-down ou approche descendante est une technique d’intégration qui fait intervenir des décisions politiques pour initier l’intégration. Les décisions sont prises par la hiérarchie et font l’objet de décrets définissant ses modalités d’application sur le terrain. De prime abord, on serrait tenté de dire que c’est la meilleure approche d’intégration, puisqu’elle vise le changement de tout le système éducatif, et semble de ce fait plus apte à entraîner des modifications au sein du curriculum puisque se fondant sur une décision centrale imposable à tous. Mais dans les faits, cette approche se heurte rapidement à la résistance des enseignants de terrain  qui, par leurs pratiques  refusent de légitimer un outil technologique dont les apports aux disciplines restent  encore largement à démontrer et dans lequel à priori ils ne trouvent aucun intérêt.

            Le bottom-up ou approche ascendante est la technique d’intégration par laquelle l’initiative d’intégration des TIC dans le système et notamment dans  un établissement est le fait des enseignants eux-mêmes. Cette approche se caractérise par la conception par les enseignants de projets innovants, dans le but d’utiliser les TIC en classe et d’inciter leurs élèves à les utiliser également. Ces projets sont ceux qui ont une chance de succès, s’ils sont entrepris par tous les enseignants au même moment. A ce sujet, D Cavallo, (2004) affirme que   l’une des caractéristiques d’un environnement fertile au changement est le fait que les initiatives doivent surgir de la base  en ces termes «  bottom-up and emergent   large-scale growth comes from the basis of many little contributions ». 

            Mais, le fait qu’il ne  s’agisse que d’initiatives personnelles et éparses, rend difficile un embrasement de tout le système, surtout que les enseignants ne démontrent pas tous la même motivation à utiliser les TIC en classe. Ainsi, des projets dispersés ne sauraient avoir un impact significatif sur le curriculum de manière à le modifier.

            La politique camerounaise pour sa part, semble être à cheval entre les deux approches, dans la mesure où, la hiérarchie éducative promeut une intégration des TIC dans le système éducatif en décrétant leur intégration, mais faute de moyens adaptés à cette politique, une méthode palliative semble être mise en place pour inciter les enseignants à être les acteurs prioritaires de cette intégration à travers leur implication personnelle.

            De ce qui précède, il faut retenir que l’intégration des TIC dans un système peut commencer soit par le sommet, soit par la base. Cette intégration s’effectue-elle toujours de la manière souhaitée ? D’où la nécessité d’analyser les niveaux d’intégration.

 

Lauzon, Michaud et Forgette-Giroux, (1991) expliquent qu’il existe deux types d’intégration de l’ordinateur à la pédagogie : l’intégration physique et l’intégration pédagogique.

Par rapport à  l’intégration physique, ils affirment qu’elle : « (…) consiste à placer les équipements technologiques à la disposition des enseignants et des élèves et à amener ces deux groupes à s’en servir occasionnellement en vue de répondre aux demandes pédagogiques ponctuelles du milieu ». Et Bray, (1999) dans la même lancée, affirme cependant que : « simplement placer les technologies dans la classe ou dans le laboratoire d’informatique ne signifie pas que les enseignants sauront comment les utiliser ou que le curriculum sera amélioré par leur présence »Simply placing technology in classrooms or computer labs does not mean that teachers will know how to use it or that the curriculum will be better for its presence»). De nombreux auteurs  Depover et Strebelle, (1996) ; Dias, (1999), conviennent tout de même que l’intégration physique est incontournable (puisqu ’elle est un préalable), mais c’est l’intégration pédagogique qui devrait être visée par l’implantation des TIC. Et IsaBelle, (2002) va dans le même sens lorsqu’elle affirme qu’ : « en milieu scolaire, l’aspect pédagogique des TIC constitue la pierre angulaire de la réussite ou de l’échec de leur intégration ». En d’autres termes, l’intégration est le fait d’utiliser les TIC dans le processus d’enseignement apprentissage.

L’intégration des TIC dans un système peut demeurer au niveau physique ou évoluer vers le niveau pédagogique, tout dépendant de l’appropriation ou non de ces TIC par les enseignants. Ce qui conduit à évoquer quelques modèles d’appropriation des TIC par les enseignants.

 

Comme mentionné plus haut, l’intégration des TIC dans le système éducatif  a pour objectif principal que ses acteurs (et dans le cas présent les enseignants) en deviennent des experts, en vue de l’amélioration de la qualité du processus enseignement apprentissage. Mais, il faut noter, pour que cette intégration ait lieu, les acteurs du système éducatif doivent subir certaines transformations, ou mieux, traverser certaines étapes. Vu sous cet angle, l’intégration des TIC ne serait donc pas un état de fait mais plutôt un processus  s’échelonnant sur une période. Donc, ce processus est évolutif, partant de la non utilisation « non user » à une utilisation exemplaire « expert user » des TIC. C’est ainsi que plusieurs chercheurs tels que Carole Raby, (2004) se sont attelés à identifier les phases par lesquelles passent  les enseignants pour intégrer les TIC dans un établissement scolaire, dont il sera ici présentés quelques modèles et leurs caractéristiques.

Le modèle de Moersch (1995,2001)

Moersch définit sept niveaux par lesquels passe un enseignant qui veut intégrer les TIC en classe.

Le niveau zéro (0) représente la non utilisation, qui est une étape pendant laquelle l’enseignant perçoit le manque d’accessibilité et de temps comme des freins à l’utilisation des TIC.

La sensibilisation (1) est l’étape où l’enseignant peut être en contact indirect avec les TIC présentes dans son environnement.

L’exploration (2) est la phase pendant laquelle l’enseignant emploie les TIC comme complément à son enseignement lors d’activités de renforcement, d’enrichissement ; engageant ainsi ses élèves dans l’utilisation des TIC.

L’infusion (3) pour sa part, est l’étape où l’enseignant utilise les outils technologiques de manière ponctuelle, lors d’activités pédagogiques pour faciliter le traitement de l’information, résoudre des problèmes et prendre des décisions.

L’intégration (4)  constitue un moment crucial, difficile à franchir car ici, l’enseignant implique ses élèves et a recours aux TIC pour identifier et résoudre les problèmes liées à un thème (bases de données, traitement de texte, feuille de calcul, télécommunication, multimédia).

L’expansion (5)  quant à elle est la phase où l’utilisation des TIC permet à l’enseignant d’entrer en contact avec l’extérieur.

Le raffinement (6) suppose le moment où l’enseignant utilise les TIC pour permettre aux élèves de rechercher l’information, de trouver des solutions et de développer un résultat en rapport avec les problèmes réels et surtout avec leurs intérêts propres.

NIVEAUX

CATÉGORIES

DESCRIPTIONS

0

NON-UTILISATION

Perception d’un manque de temps ou d’un manque d’accessibilité des TIC comme frein à leur usage

1

SENSIBILISATION

Présence des TIC dans l’environnement de l’enseignant, mais sans lien direct avec lui (ex. : dénombrement flottant, cours offerts aux élèves le midi, etc.) ou utilisation des TIC pour la gestion de classe (ex. : gestion des notes informatisée – évaluation) ou utilisation des TIC pour enrichir les présentations magistrales

2

EXPLORATION

Les TIC servent de complément à l’enseignement, c’est-à-dire renforcement, enrichissement, exercices répétitifs, jeux, recherche d’information. Implique des structures de raisonnement, de niveau.

3

 

INFUSION

Utilisation ponctuelle d’outils technologiques pour traiter l’information (ex. : feuille de calcul ou graphique pour représenter résultats d’une enquête). Implique des structures de raisonnement de niveau supérieur.

4

 

 

INTÉGRATION

 

Utilisation d’outils technologiques pour identifier et résoudre des problèmes réels liés à un thème central ou à un concept dans un contexte d’apprentissage riche (ex. : Internet pour rechercher de l’information sur un problème à résoudre, traitement de texte pour la production de documents en lien avec le problème à résoudre). Implique des structures de raisonnement de niveau supérieur.

5

 

EXPANSION

Utilisation des TIC pour permettre aux élèves d’entrer en contact avec le monde extérieur, dans un contexte de résolution de problèmes réels liés à un thème central ou à un concept (ex. : contacter la NASA, agence gouvernementale, etc.…). Implique des structures de raisonnement de niveau supérieur

6

RAFFINEMENT

Utilisation des TIC comme processus, produit et/ou outil pour permettre aux élèves de rechercher de l’information, de trouver des solutions et de développer un produit en lien avec des problèmes réels et significatifs pour eux. Implique des structures de raisonnement de niveau supérieur et un milieu d’apprentissage actif.

Tableau 1: Niveaux d’implantation des TIC selon Moersch. (Carole Raby, (2004, p.25))

* Critique du modèle de Moersch

Un enseignant qui doit utiliser les TIC pour enrichir ses enseignements ne saurait en même temps être placé au stade de la « sensibilisation », où il n’est pas sensé être en contact indirect avec les TIC.

Ce modèle apparaît linéaire et présuppose donc que le parcours de tous les enseignants est similaire, c'est-à-dire que les enseignants traversent tous les niveaux  et selon l’ordre proposé.

Le modèle de Sandholtz, Ringstaff et Owyer (1997)

Sandholtz et ses collègues proposent un modèle en cinq stades. Selon eux, l’enseignant passe du stade de l’ « entrée »  où il se familiarise avec les TIC placées dans sa classe, au stade de l’ « adoption » où il utilise les TIC pour des exercices répétitifs en vue d’appuyer l’enseignement. Vient ensuite le stade de l’ « adaptation » pendant lequel l’enseignant se sert des TIC  fréquemment pour gérer la classe et pour tester de nouvelles techniques pédagogiques. Suit le stade de l’ « appropriation » durant lequel il modifie ses méthodes d’enseignement pour favoriser l’acquisition de nouvelles compétences chez les élèves. Au dernier stade, celui de l’ « invention », l’enseignant adopte de nouvelles méthodes d’enseignement centrées sur la construction des connaissances, la résolution des problèmes, la pensée critique, qui mettent en évidence toutes les potentialités des TIC.

STADES

DESCRIPTION

ENTRÉE

 

Mise en place du matériel technologique et maîtrise, par l’enseignant et les élèves, des rudiments techniques de son utilisation.

ADOPTION

 

Utilisation du matériel lors d’exercices répétitifs pour appuyer l’enseignement. Élaboration de stratégies pour résoudre les problèmes technopédagogiques rencontrés avec les TIC.

ADAPTATION

 

Usage fréquent et pertinent de la technologie. Utilisation des technologies pour la gestion de classe. Intégration des ressources technologiques aux méthodes traditionnelles d’enseignement. Questionnement sur les effets de l’enseignement avec les TIC.

APPROPRIATION

 

Maîtrise des ressources technologiques par l’enseignant. Transformation de l’attitude personnelle de l’enseignant à l’égard de la technologie.

INVENTION

 

Apparition de nouvelles méthodes d’enseignement favorisant l’acquisition d’un nouvel ensemble de compétences.

Tableau 2: Stades de l’évolution pédagogique, selon Sandholtz, Ringstaff et. Owyer (Carole Raby, (2004, p.30)).

* Critique du modèle de Sandholtz, Ringstaff et Owyer

Ce modèle est plus général mais est lui aussi linéaire. De plus, ce modèle suggère qu’avec  l’intégration des TIC, l’enseignant  doit nécessairement transformer  ses méthodes d’enseignement. Alors, comment se déroulerait le processus d’intégration des TIC chez un enseignant novice à l’intégration des TIC ?

Le modèle de Morais (2001)

Ce modèle définit deux phases à l’intégration pédagogique des TIC. La première : l’ « initiation » qui est subdivisée en deux étapes à savoir la « pertinence » : période pendant  laquelle l’enseignant se demande si les TIC peuvent améliorer ses pratiques pédagogiques. Une fois convaincu de l’influence positive que les TIC peuvent avoir sur ses pratiques pédagogiques, il fait face à des  sentiments d’anxiété, de  « peur », d’incertitude et d’insécurité liés au changement.

La deuxième phase: l’  « utilisation » est quant à elle subdivisée en trois étapes à savoir l’ « utilisation personnelle » où l’enseignant utilise les TIC pour ses besoins personnels, excluant ses élèves ; l’ « utilisation professionnelle » pendant laquelle il y a recours  pour remplir ses fonctions de nature administratives. Ce n’est qu’à l’étape de l’ « utilisation pédagogique » qu’il les fait intervenir pour  améliorer l’enseignement et l’apprentissage de ses élèves qui se retrouvent de ce fait impliqués. Pour Morais, l’enseignant doit suivre systématiquement et progressivement les cinq étapes pour accéder à une utilisation pédagogique des TIC.

Figure 1: le modèle d’intégration de Morais. Isabelle (2002, p. 85).

* Critique du modèle de Morais

Ce modèle est lui aussi linéaire, et  ne définit pas clairement les étapes que traverse un enseignant lorsqu’il progresse vers une utilisation exemplaire des TIC.

Ces trois modèles limités  mais complémentaires ont permis à Carole Raby d’établir un modèle synthèse représentant le processus d’intégration des TIC, qui plus loin dans ces travaux, servira de socle.


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A
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